Au cours des 50 dernières années, la France métropolitaine a perdu plus de la moitié de la surface de ses zones humides, et  cette  tendance d’altération continue : 48 % d’entre elles se sont dégradées entre  2000  et  2010. L’UICN (Union Internationale de Conservation de la Nature) dans un rapport publié en 2015 * estime qu’en France métropolitaine, le recensement des seules zones humides en 2011 pesait 2,4 millions d’Ha, pour un « cout » annuel estimé de services gratuits des milieux aquatiques allant de 1 200 à 6 700 € /ha. Fort de ce constat, nous pouvons estimé à plus de 6,6 millions d’Euros les services rendus et gratuits par nos seules zones humides sur la vallée de la Couze Pavin et de ses affluents.

En effet, à l’issue d’une étude de plus de deux ans, le CERA Environnement (Centre d’Etudes et de Recherche Appliquée en Environnement), missionné par le SIAV,  vient de fournir son rapport d’inventaires sur les zones humides de notre vallée. Il s’agit là de les délimiter, les caractériser, en connaitre les enjeux, les hiérarchiser et in fine les préserver par des actions adaptées. Chaque commune s’est vue donc remettre un ensemble de cartes associées identifiant son propre patrimoine.

Rappel : fonctions et intérêts des zones humides

Un petit rappel s’impose pour justifier de leur intérêt. Les zones humides présentent de nombreuses fonctions :

  1. les fonctions hydrologiques : ralentissement des ruissellements, recharge des nappes, régulation des crues, et le soutien d’étiage.
  2. les fonctions biogéochimiques : dénitrification des nitrates, assimilation végétale de l’azote, absorption du phosphore, et séquestration du carbone.
  3. les fonctions biologiques : support et des connexion des habitats nécessaires aux espèces autochtones.

Zone d’études et résultats

La surface du bassin versant de la Couze Pavin est d’environ 285 km². Il ne s’agit pas d’un inventaire exhaustif sur ce territoire, mais d’identifier et cartographier les zones humides au sein des enveloppes de forte probabilité de présence des zones humides (déterminées par le SAGE Allier Aval) des communes de Chidrac, Compains, Courgoul, Meilhaud, Perrier, Saurier, Saint-Cirgues-sur-Couze, Saint-Diéry, Saint-Floret, Saint-Pierre-Colamine, Tourzel-Ronzières et Valbeleix. Cela représente une zone d’étude d’environ 2851 hectares du Contrat territorial.

Les phases de terrain (2016 et 2017) ont mis en évidence la présence de 524 zones humides, pour une surface d’environ 1684,97 hectares soit 6,52 % de la zone occupée.

La surface moyenne d’une zone humide est d’environ 3,2 hectares et le nombre moyen de zone humide par commune atteint 35. Certaines disparités existent néanmoins : les communes de Besse-et-Saint-Anastaise et Compains situées en tête de bassin versant présentent les deux tiers des zones humides répertoriées. Enfin, la commune de Compains possède le pourcentage d’occupation du sol par les zones humides le plus important avec 12,1 % de sa surface occupée par des milieux humides.

Comment fonctionnent-elles chez nous et à quoi servent-elles ?

Les zones humides sont en relation le plus souvent avec le réseau hydrographique.

L’approvisionnement hydraulique se fait en entrée par le biais le plus souvent de cours d’eau, fossés, ruissellements diffus et bien sûr les précipitations (en apport secondaire). Les communes de Besse-et-SaintAnastaise et Compains se différencient par la présence de nombreuses sources.

Le fonctionnement hydraulique est souvent dégradé à cause de la modification de l’interaction entre le cours d’eau et la zone humide ou la présence de rigoles de drainage plus ou moins prononcées. Néanmoins, dans un peu plus de la moitié des cas, les zones humides sont proches de l’équilibre naturel. Les enjeux sont liés à la régulation naturelle des crues, un stockage des eaux de surface et recharge des nappes avant restitution pour soutien d’étiage

Leur intérêt biologique, proche de l’état naturel dans un peu moins de la moitié des cas, réside surtout dans la fonction de corridor biologique qu’elles procurent (en longeant la plupart des cours d’eau), ainsi que dans le support de biodiversité avec la présence de milieux originaux abritant plusieurs espèces patrimoniales.

On note une grande disparité concernant les activités répertoriées en fonction des communes. Sur Besse-et-Saint-Anastaise, Compains et SaintPierre-Colamine, la majorité des zones humides sont pâturées ou pâturées/fauchées. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les agriculteurs reconnaissent eux-mêmes l’intérêt de tels milieux lors des périodes de sécheresse pour pouvoir faire pâturer les animaux qui n’ont plus d’herbe ailleurs. L’absence d’activité est aussi bien réelle.

La valorisation des zones humides est à relier notamment à leur production agricole (prairie ou parcours pour le pâturage des bovins, ovins) et plus localement pour l’alimentation en eau potable. Plusieurs d’entre elles montrent également un potentiel pour le tourisme et les loisirs intéressants (Besse-et-Saint-Anastaise, Compains, Saurier et Issoire).

Nos zones humides sont globalement en bon état de conservation même si ponctuellement des menaces sont à noter.

Le diagnostic hydrologique

L’hydrologie des zones humides a également été analysée. Il en ressort qu’une légère majorité des parcelles montrent un diagnostic hydrologique sensiblement dégradé. Néanmoins, 40 % des zones humides montrent un diagnostic proche de l’équilibre naturel. 18 % des zones humides présentent un diagnostic hydrologique dégradé à très dégradé. Les modifications sont le plus souvent la conséquence d’un drainage plus ou moins prononcé et localisé au sein des parcelles exploitées, ainsi qu’à des modifications de cours d’eau liées le plus souvent à une simplification du tracé.

L’état de conservation des zones humides

Les résultats montrent que l’état de conservation des habitats est bon dans un peu plus de la moitié des cas. Néanmoins, 35 % d’entre elles montrent une dégradation partielle des habitats. Les dégradations sont très souvent liées aux activités humaines (eutrophisation) qui sont très présentes sur le secteur d’étude ainsi qu’à la modification des cours d’eau et au drainage qui modifie l’hydrologie.

 

Le niveau de menace

Concernant le niveau de menace, l’analyse révèle que la très grande majorité des zones humides sont faiblement à moyennement menacées. Les principales menaces observées sur site sont liées par ordre d’importance à la modification du cours d’eau, le surpâturage, l’eutrophisation  et le drainage.

 

Quelles sont les pressions actuelles !

Les pressions actuelles sont variées, mais si un classement décroissant (impactant les zones humides du plus vers le moins) devait être proposé, la liste serait ainsi faite :

  1. La modification du cours d’eau (30 %) est le principal préjudice au sein de la zone d’étude (simplification du tracé, enrochement, canalisation et incision). Ces modifications ont pour conséquence de réduire ou supprimer la présence de zones humides. Cela accentue par ailleurs la vitesse d’évacuation des eaux allant ainsi à l’encontre d’un cycle de l’eau équilibré. Par la même, les éventuels polluants et autres intrants sont aussi transférés plus rapidement vers l’aval sans laisser au sol le temps d’épurer de telles substances. Ainsi fait, le rôle des zones humides en est fortement réduit.
  2. Le surpâturage (25%) est aussi présent mais se restreint à de petites surfaces. Le fait que l’agriculture de ces secteurs soit globalement assez extensive limite ce phénomène.
  3. L’eutrophisation des formations végétales (23%) est intimement liée au surpâturage. Elle se dessine sur les secteurs les plus piétinées, ainsi que sur les parcelles très accessibles avec les engins agricoles (épandages). On retrouve aussi ces pressions en contrebas de grosses exploitations agricoles et vers les arrivées d’intrants. L’eutrophisation a pour conséquence de modifier les communautés végétales.
  4. Le drainage (23%) est également présent, il modifie les groupements végétaux qui deviennent à tendance mésophile et réduise la superficie des zones humides. Comme pour la modification du cours d’eau cela accentue le ruissellement des eaux, leur vitesse d’évacuation.
  5. La présence d’espèces d’invasives (11%), qui a pour conséquence une modification des écosystèmes et des groupements végétaux. Seules les zones humides situées sur les communes en aval du bassin versant sont fortement impactées.
  6. L’enrésinement ou la populiculture des zones humides (9%), ne se pratique que ponctuellement et sur quelques parties de tels milieux. Il est très rare de rencontrer une zone humide entièrement plantée.
  7. La mise en culture ou les travaux du sol (9%), qui modifie les communautés végétales ainsi que les fonctions réalisées par elle.
  8. L’enfrichement (9%), a pu être constaté sur des zones non exploitées.
  9. La fertilisation ou les pollutions issues des cultures ou des voies de communications adjacentes (8%).
  10. L’urbanisation, cette pression a pour conséquence une destruction partielle ou totale de la zone humide (6%).
  11. Les remblaiements intempestifs par des déchets inertes ou verts, il montre le désintérêt pour de telles zones (5%).
  12. La création de plan d’eau (4%).
  13. La présence de décharge (3%).
  14. La suppression de haies (2%).

Les pressions à venir

La plus grande crainte pour les années à venir en termes de pression sur les zones humides, serait une aggravation des atteintes liées aux modifications des cours d’eaux, ainsi qu’à l’accentuation du drainage. Les modifications ont pour conséquences de réduire les interactions avec le réseau hydrographique principale entrée d’eau pour les zones humides. Cela induit une diminution de la surface des zones humides, ainsi que de leurs fonctionnalités.

Une seconde crainte pourrait tenir en une intensification des pratiques agricoles. Cette intensification ne peut qu’être préjudiciable en entrainant des modifications dans la structure des sols par le surpâturage associé à une modification des cortèges floristiques. Ces atteintes ont pour conséquences de modifier et banaliser les cortèges floristiques. Cette eutrophisation à des conséquences importantes sur la qualité des eaux.

Pour finir, une crainte, pourrait venir d’une destruction partielle ou totale des zones humides en lien avec l’urbanisation.

Saule des lapons (Salix lapponum) observée sur la commune de Besse-et-Saint-Anastaise protégé au niveau national…

Alors il est impératif de préserver cet environnement où s’épanouissent plusieurs espèces végétales patrimoniales dont, huit protégées sur le plan national (Salix lapponum, Lycopodiella inundata, Ligularia sibirica, Drosera rotundifolia, Luronium natans, Isoetes sp Andromeda polifolia et Littorella uniflora), trois protégées sur le plan régional (Lilium martagon, Cicuta virosa et Vaccinium oxycoccos) et quatre inscrites sur la liste rouge régionale (Utricularia australis, Salix eleagnos Pedicularis palustris et Lemna trisulca). Nos zone humides, notre patrimoine à préserver pour tous les services gratuits qu’elles nous rendent !

*Rapport sur les services rendus des écosystèmes d’eau douce de L’UICN

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